MONSIEUR SARKOZY A RAISON

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MONSIEUR SARKOZY A RAISON

Pour un choix conscient

 

Monsieur Sarkozy, l’européen, a raison.

 

L’Union Européenne (U.E) s’est inscrite dans le processus de mondialisation. À cet égard, le Traité de Maastricht (1992), signé et approuvé par référendum sous la présidence de François Mitterrand, a constitué un formidable accélérateur.

 

Ce traité enlevait aux États, donc à la France, le pouvoir monétaire en créant l’Euro dont la gestion fut confiée à la Banque Centrale Européenne, indépendante de toute autorité politique. Cette indépendance, qui a ses fondements théorique dans les thèses libérales de la Nouvelle École Classique, a pour objet de mettre les décisions de gestion de la monnaie unique à l’abri des tentations qui pourraient s’emparer de tout pouvoir au seuil d’une échéance électorale : créer de la monnaie pour financer des augmentations de dépenses publiques démagogiques. De tels programmes n’auraient, au mieux, que des effets positifs éphémères, laissant derrière eux une accélération durable de la hausse des prix

 

Cette indépendance signifie donc que l’État ne pouvait plus financer le déficit budgétaire par la création monétaire (planche à billets); il ne lui restait plus qu’une ressource qui était celle d’emprunter. Les emprunts publics venant concurrencer les emprunts des entreprises donc leur capacité à se développer, il fallait que les déficits publics ne soient pas excessifs. D’où la disposition du Traité de Maastricht qui limite le déficit budgétaire à 3% du Produit Intérieur Brut, l’idéal affiché étant l’équilibre des recettes et des dépenses publiques.

 

Pour respecter cette limite du déficit public deux possibilités s’offraient aux États membre de l’U.E : soit accroître les recettes en augmentant les impôts soit la compression des dépenses publiques. Or, l’un des points sur lequel l’U.E n’a pas procédé à l’harmonisation des politiques nationales, c’est la fiscalité directe (impôt sur le revenu) ; la concurrence entre les États est restée la règle. Dans ce contexte de concurrence fiscale, augmenter les impôts, notamment sur les classes sociales percevant les plus hauts revenus ou les entreprises, aurait été suicidaire car il en aurait résulté une fuite de main d’œuvre hautement qualifiée, des capitaux et une délocalisation des entreprises génératrice de chômage.

 

En réduisant de manière drastique le nombre des fonctionnaires et en menant une politique salariale qui lamine leur pouvoir d’achat, dont la rémunération représente une part substantielle des dépenses publiques, M. Sarkozy, s’inscrit dans la logique européenne dans un contexte de concurrence fiscale. La réforme du statut des enseignants-chercheurs des universités, dont la mise en œuvre aboutirait, notamment, à alourdir leurs charges d’enseignement pour une même rémunération, participe de la même logique.

 

La situation de la fiscalité indirecte est différente. L’harmonisation des systèmes nationaux de T.V.A les fait converger vers un terme qui devrait être la mise en place d’un système unique à l’échelle européenne : l’objectif est de faire en sorte que la fiscalité indirecte, qui pèse sur le prix des marchandises, ne soit pas un facteur de distorsion concurrentielle. Et puis la T.V.A a ce mérite d’être un impôt dégressif. Si sur un produit acheté le consommateur paye 10€ de T.V.A, s’il a un revenu mensuel de 1 000€, il paiera un impôt de 1% mais si son revenu mensuel est de 10 000€ son impôt ne sera que de 0,1%. C’est le contraire de l’impôt sur le revenu qui est progressif. Avec le paquet fiscal qu’il fit voter dès son arrivée à l’Élisée, le bouclier fiscal et la défiscalisation de heures supplémentaires, Monsieur Sarkozy se situait délibérément dans la perspective de la réduction de la part, déjà faible, de l’impôt direct et donc de l’augmentation de celle de la T.V.A dans le financement de la dépense publique. Son refus de faire diminuer la T.V.A (comme au Royaume Uni) s’inscrit dans cette démarche de faire reculer la part de l’impôt progressif dans le financement des dépenses publiques et sa volonté de faire augmenter celle de l’impôt dégressif. Il est économiquement pertinent de vouloir accroître la part de l’impôt dégressif relativement à celle de l’impôt progressif dès lors que l’on admet, comme le fait la thèse libérale dont M. Sarkozy s’inspire, que celui qui perçoit un revenu de 10 000€ par mois est dix fois plus productif que celui dont le salaire est de 1 000€. L’impôt progressif provoquerait une fuite du premier vers des pays d’accueil à la fiscalité moins agressive vis-à-vis des hauts revenus et le pays de départ perdrait un agent économique hautement productif. Par ailleurs, il y a peu de risque que le salarié à 1 000€ par mois se délocalise pour cause de fiscalité dégressive qui aboutit à le taxer 10 fois plus fortement que celui qui perçoit un revenu mensuel de 10 000€. Développer la capacité productive du pays en conservant ses facteurs de production passe par la substitution la plus large possible de l’impôt indirect à l’impôt direct, de la taxation dégressive à la taxation progressive. M. Sarkozy ne renie en rien son orientation fiscale lorsqu’il envisage de supprimer la première tranche d’imposition : ce faisant il fait reculer la part de l’impôt direct relativement à celle de l’impôt indirect.

 

La suppression de la première tranche d’impôt sur le revenu a pour objectif affiché de redonner du pouvoir d’achat de manière ciblée. Cette mesure est préférable à celle qui consisterait à augmenter le pouvoir d’achat des fonctionnaires. Une telle mesure aurait l’avantage d’avoir un impact immédiat sur la demande amplifié par le rôle d’entraînement qu’elle aurait sur les salaires payés dans le secteur privé. M. Sarkozy a raison de l’exclure du plan de relance. Elle s’inscrirait, par elle-même, à contre-courant de la politique de limitation du déficit budgétaire imposé par l’U.E. Elle serait néfaste à l’emploi par son effet d’entraînement sur les salaires du secteur privé.

 

Lorsque les économies nationales fonctionnaient en autarcie, c’est-à-dire à l’abri de la concurrence internationale, ces augmentations de salaires avaient pour effet de stimuler la demande qui s’adressait à l’appareil productif national donc étaient bonnes pour l’emploi. Mais, aujourd’hui, les économies nationales sont immergées dans la concurrence internationale. La demande qui s’adresse à notre appareil productif vient aussi et de plus en plus de l’étranger ; la demande nationale ne représente qu’une part décroissante de la demande totale s’adressant à l’appareil productif situé à l’intérieur des frontières au profit d’une demande étrangère. La lutte pour l’emploi passe par la compétitivité de cet appareil productif qui s’accommoderait mal d’une augmentation généralisée des salaires dans le secteur privé. Par ailleurs, du fait de l’insertion de l’économie française dans la concurrence européenne et mondiale, rien n’assure que le surcroît de pouvoir d’achat qui serait distribué aux ménages, que leurs revenus viennent du budget de l’État ou des entreprises, nourrirait un supplément de demande adressé à l’appareil productif national donc serait bénéfique à l’emploi national.

 

Par ailleurs, un accroissement ciblé de l’augmentation du pouvoir d’achat par suppression de la première tranche d’impôt sur le revenu présente cet avantage d’être réversible alors que les augmentations de salaires ne le sont pas ou ont un coût politique tel que la mesure ne fut pas utilisée depuis les années 30.

 

Pour barrer la route à une croissance explosive du chômage, M. Sarkozy, qui a pris la vraie mesure des exigences de la mondialisation dans laquelle s’inscrit l’U.E, a raison de rejeter l’idée de faire barrage à la crise par le moyen de la croissance du pouvoir d’achat des ménages. M. Sarkorzy a raison de fonder son plan de relance sur l’investissement, cet investissement qu’il préfère privé comme en atteste son intention de supprimer la Taxe Professionnelle (TP), qui représente plus de 50% des ressources des collectivités locales. Ce faisant, il diminue de façon radicale les moyens qu’ont ces dernières de financer des investissements. En admettant que cette suppression provoque un accroissement de l’investissement privé dans l’Hexagone, cet accroissement sera contrebalancé par la diminution de l’investissement public. En admettant que cette suppression ne provoque pas un accroissement de l’investissement global (privé+public), la suppression de la TP aurait le mérite de substituer des investissements privés générateurs de capacité productive (avec son effet supposé sur l’emploi) à des investissements publics source d’amélioration du bien-être social. La suppression de la TP s’inscrit logiquement dans la politique économique de M. Sarkozy.

 

La racine de la politique de M. Sarkozy est dans l’existence de l’Euro et la Banque Centrale Européenne à laquelle le Traité de Maastricht fait obligation de gérer la monnaie unique dans le seul but de maintenir l’inflation au-dessous d’un seuil de 2% dans la Zone Euro. Il s’agit là d’un objectif étroitement lié à l’internationalisation de la concurrence : contenir la hausse des prix pour renforcer la compétitivité des produits européens sur les marchés du monde et, ce faisant, défendre l’emploi en Europe.

 

Dans le contexte de l’U.E, dont le choix fut d’inscrire les économies nationales des États membres dans la concurrence internationale, il n’y a pas de politique économique alternative à celle de M. Sarkozy dès lors que l’emploi reste la priorité ; c’est pourquoi le Président de la République est peu enclin à la négociation sur ce qui constitue le cœur de l’orientation qu’il a donnée à sa politique économique.

 

Les termes de l’alternative sont clairs.

 

Dans ce contexte, abandonner le cœur de l’orientation imprimée à la politique économique par M. Sarkozy reviendrait à renoncer à faire barrage au chômage qui monte. Abandonner le cœur de l’orientation choisie par M. Sarkozy, sans renoncer à l’objectif de faire barrage au chômage, et revenir à une conception de l’État-Providence, garant d’un service public de qualité qui fut la marque du modèle social français, impose de s’affranchir des contraintes européennes (budgétaire, monétaire), de revenir à la monnaie nationale et de retrancher notre économie de la concurrence internationale.

 

 

Hyères, le 6 février 2009

André SEGURA

Maître de Conférences

UFR de Sciences économiques

Université du Sud Toulon Var